Le syndrome de Gardner, ou polypose adénomateuse familiale, est une maladie génétique rare caractérisée par le développement de nombreux polypes dans le côlon. Dans cet article à destination des étudiants et professionnels de santé, nous allons détailler les causes, manifestations cliniques, examens complémentaires et modalités de prise en charge de cette pathologie.
I. Définition et généralités
Le syndrome de Gardner est une maladie génétique autosomique dominante qui prédispose au développement de centaines voire de milliers de polypes dans le côlon et le rectum.
Il s'agit d'une forme variante et atténuée de la polypose adénomateuse familiale (PAF) classique.
Ses principales caractéristiques sont :
- Transmission autosomique dominante
- Développement de nombreux polypes colorectaux
- Risque très élevé de cancer colorectal
- Atteintes extra-coliques fréquentes : tumeurs desmoïdes, anomalies dentaires, tumeurs épidermiques, etc.
Sa prévalence est estimée entre 1/10000 et 1/100000. L'âge moyen au diagnostic se situe vers 30 ans.
II. Causes et facteurs génétiques
Le syndrome de Gardner est causé par une mutation germinale (présente dès la conception) du gène APC situé sur le chromosome 5.
Ce gène suppresseur de tumeur code pour une protéine impliquée dans la régulation de la prolifération cellulaire. Sa mutation entraîne une prolifération anarchique de la muqueuse colique.
Cette mutation génétique se transmet selon le mode autosomique dominant :
- Une personne atteinte a 50% de risque de transmettre la maladie à chacun de ses enfants.
- Au moins l'un des parents doit être porteur de la mutation.
- Des cas de novo par mutation spontanée sont possibles.
Le diagnostic génétique permet d'identifier les porteurs dans les familles à risque.
III. Symptômes et manifestations cliniques
Les signes cliniques peuvent apparaître dès l'adolescence ou l'âge adulte jeune.
1. Au niveau digestif
- Présence de sang rouge dans les selles
- Anémie par carence martiale
- Ballonnements et douleurs abdominales
- Troubles du transit intestinal
2. Manifestations extra-digestives
- Tumeurs desmoïdes cutanées ou intra-abdominales
- Anomalies dentaires multiples
- Tumeurs épidermiques bénignes
- Anomalies du sphénoïde
- Anomalies congénitales de l'hypophyse
- Tumeurs hépatobiliaires
- Tumeurs de la rétine
L'existence d'antécédents familiaux de syndrome de Gardner doit faire suspecter le diagnostic.
IV. Diagnostic du syndrome de Gardner
Le diagnostic repose sur plusieurs examens :
1. L'analyse clinique et l'anamnèse
Le médecin recherche des symptômes digestifs évocateurs et des antécédents familiaux.
2. La coloscopie
Elle met en évidence la présence de multiples polypes (plus de 100) dans le côlon et le rectum.
3. L'examen histologique des polypes
L'analyse des biopsies coliques confirme la nature adénomateuse des polypes.
4. Le bilan d'extension
Pour rechercher d'éventuelles localisations extra-coliques (scanner, IRM, échographie).
5. Le test génétique
Il identifie la mutation du gène APC responsable du syndrome.
V. Risques et complications
Les principaux risques liés au syndrome de Gardner sont :
Le cancer colorectal
- Risque très élevé, proche de 100% en l'absence de traitement.
- Survient généralement avant 40 ans.
- Justifie une surveillance endoscopique rapprochée dès l'adolescence.
Les cancers extra-coliques
- Duodénum, estomac, intestin grêle.
- Thyroïde, hépatobiliaire.
Les tumeurs desmoïdes
- Risque de compression d'organes adjacents.
- Peuvent être responsables d'occlusions.
- Parfois de résection chirurgicale difficile.
Les manifestations ophtalmologiques
- Hypertrophie congénitale de l'épithélium pigmentaire rétinien.
- Risque accru d'adénomes hypophysaires.
VI. Prise en charge et traitements
La prise en charge du syndrome de Gardner vise à prévenir le développement du cancer colorectal par surveillance endoscopique étroite et exérèse préventive du côlon.
1. Surveillance coloscopique
- Débutée à partir de l'adolescence (10-15 ans ou plus tôt selon les antécédents familiaux).
- Renouvelée tous les 1 à 3 ans selon le nombre de polypes.
- Exérèse des polypes lors des coloscopies.
2. Colectomie prophylactique
- Recommandée entre 20 et 30 ans selon le nombre de polypes.
- Résection du côlon total avec anastomose iléo-anale.
- Permet de prévenir efficacement le cancer colorectal.
3. Traitement des manifestations extra-digestives (chirurgie, chimio)
4. Conseil génétique
- Proposition de test génétique aux membres de la famille à risque.
- Suivi adapté des porteurs de la mutation.
Grâce à cette stratégie, l'espérance de vie des patients atteints du syndrome de Gardner est quasi-normale aujourd'hui.
Conclusion
Le syndrome de Gardner est une maladie génétique rare de transmission autosomique dominante, caractérisée par de nombreux polypes colorectaux et des risques élevés de cancers digestifs.
Grâce à l'amélioration des techniques de surveillance endoscopique et de la prise en charge chirurgicale, le pronostic s'est considérablement amélioré ces dernières années.
Toutefois, le conseil génétique et le dépistage précoce des patients à risque restent primordiaux pour détecter la maladie avant l'apparition de complications. Les progrès de la recherche génétique laissent espérer à l'avenir de nouvelles thérapies ciblées pour combattre ce syndrome lourd de conséquences.
Sources
- Syndrome de Gardner. Orphanet
- Gardner Syndrome. National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases
- Gardner syndrome. Genetics Home Reference
- Gardner syndrome. National Cancer Institute
- Gardner's syndrome. Cleveland Clinic