Prévenir et gérer les chutes chez les personnes âgées

Les chutes chez les personnes âgées

Les chutes sont un problème de santé publique majeur chez les personnes âgées. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, chaque année 28 à 35% des personnes âgées de plus de 65 ans chutent, et ce pourcentage augmente à 32 à 42% chez celles de plus de 70 ans. Les chutes sont la première cause de blessures, d'hospitalisations et même de décès accidentels chez cette population.

Heureusement, de nombreuses mesures peuvent être prises pour prévenir les chutes des personnes âgées et en minimiser les conséquences. Cet article présente les causes et facteurs de risque des chutes, leurs conséquences physiques et psychologiques, ainsi que les solutions de prévention et de prise en charge après une chute.

I. Causes et facteurs de risque des chutes chez les personnes âgées

Les causes des chutes chez les seniors sont multifactorielles. On distingue des facteurs intrinsèques, liés à l'état de santé de la personne, et des facteurs extrinsèques, liés à l'environnement.

1. Facteurs intrinsèques

Plusieurs problèmes de santé augmentent les risques de chute :

  • Troubles de l'équilibre et de la marche : affaiblissement musculaire, troubles proprioceptifs, atteintes neurologiques (maladie de Parkinson...), arthroses, antécédents de chutes.

  • Troubles sensoriels : baisse de l'acuité visuelle, neuropathies, vertiges, hypotension orthostatique.

  • Troubles cognitifs et psychologiques : démences, dépression, anxiété.

  • Polymédication et effets secondaires : somnolence, vertiges, hypotension.

  • Incontinence urinaire : nécessite des déplacements fréquents aux toilettes.

  • Troubles du sommeil : insomnies, syndrome d'apnées du sommeil.

  • Dénutrition : carences, sarcopénie, déshydratation.

2. Facteurs extrinsèques

L'environnement joue aussi un rôle dans les chutes des personnes âgées :

  • Dangers domestiques : sols glissants, obstacles, escaliers, éclairage insuffisant.

  • Chaussures inadaptées : semelles usées, talons hauts.

  • Aides à la marche mal réglées : cannes, déambulateurs.

  • Comportements à risque : montée sur un escabeau, marche sans aide technique.

II. Conséquences des chutes chez les personnes âgées

Les chutes des seniors, même sans gravité apparente, peuvent avoir des répercussions néfastes.

1. Conséquences physiques

  • Traumatismes : fractures, entorses, contusions, plaies. Les plus fréquents sont les fractures du col du fémur, du poignet, des côtes et du bassin.

  • Déconditionnement : perte d'autonomie, craintes de remarcher.

  • Douleurs chroniques : arthroses, tendinites.

  • Infections : escarres dues à l'immobilisation.

  • Décès : 5 à 10% des personnes âgées hospitalisées pour une fracture décèdent dans l'année.

2. Conséquences psychologiques

  • Perte de confiance : peur de retomber, restriction des déplacements et isolement.

  • Anxiété : hypervigilance, troubles du sommeil.

  • Dépression : perte d'estime de soi, fatalisme.

  • Syndrome post-chute : anxiété intense et déconditionnement.

  • Institutionnalisation : lorsque le maintien à domicile n'est plus possible.

III. Évaluation des risques de chute

Pour prévenir efficacement les chutes, il est primordial d'évaluer les risques propres à chaque personne âgée. Cette évaluation peut être réalisée par le médecin traitant, un kinésithérapeute, un ergothérapeute ou un infirmier.

1. Interrogatoire

Il permet de rechercher :

  • Les antécédents de chutes, leurs circonstances, leurs conséquences.

  • Les problèmes de santé : maladies, traitements médicamenteux.

  • Les capacités sensorielles, motrices et cognitives.

  • L'environnement de vie et les aides techniques utilisées.

2. Examen clinique

Il comprend :

  • Un examen physique complet avec évaluation neurologique et ostéo-articulaire.

  • Des tests de l'équilibre (relever d'une chaise, se tenir sur un pied...) et de la marche.

  • La mesure de la tension artérielle orthostatique.

  • L'étude de la vision et de l'audition.

  • L'évaluation de la cognition, de l'humeur et du risque de dépression.

3. Grilles de dépistage

Elles permettent de quantifier précisément le risque de chute, comme :

  • L'échelle STRATIFY : score sur 5 points selon les antécédents et problèmes de marche.

  • Le test Time Up and Go : évalue la mobilité en se levant, marchant et se rasseyant.

  • Le Get Up and Go Test : identifie les troubles de l'équilibre dynamique.

IV. Solutions de prévention des chutes

De nombreuses mesures, médicales ou matérielles, peuvent prévenir efficacement les chutes chez la personne âgée ou en réduire les conséquences.

1. Adaptation de l'environnement

  • Éliminer les obstacles : fils électriques, tapis glissants.

  • Installer des rampes d'escalier, sièges de douche, barres d'appui.

  • Améliorer l'éclairage : détecteurs de mouvement, veilleuses.

  • Choisir un mobilier stable : lit, chaise, toilettes surélevées.

  • Utiliser des revêtements de sol antidérapants.

2. Aides techniques

  • Chaussures stables, semelles antidérapantes, canne anglaise.

  • Fauteuils et déambulateurs bien réglés.

  • Protections de hanches pour amortir une éventuelle chute.

3. Adaptation des comportements

  • Prendre son temps pour se lever, s'asseoir, se déplacer.

  • Porter des vêtements et chaussures adaptés, bien ajustés.

  • Demander de l'aide si besoin, utiliser les aides techniques prescrites.

  • Veiller à une bonne hydratation.

4. Programme d'exercices

  • Renforcement musculaire : jambes, bras, abdominaux.

  • Équilibre : tai-chi, yoga, travail sur plateformes instables.

  • Coordination : parcours moteurs, manipulations d'objets.

  • Endurance : marche, vélo, natation.

  • Assouplissement : étirements, stretching.

5. Correction des troubles sensoriels

  • Porter les lunettes ou lentilles adaptées et réaliser un bilan ophtalmologique annuel.

  • Traiter les pathologies de l'oreille interne.

  • Utiliser des aides auditives si besoin.

6. Adaptation des traitements médicamenteux

  • Réduire au maximum la polymédication.

  • Éviter les psychotropes et médicaments sédatifs.

  • Traiter l'hypotension orthostatique.

  • Corriger les carences en vitamine D et calcium.

7. Suivi psychologique

  • Travail cognitivo-comportemental pour vaincre les peurs.

  • Remobilisation progressive après une chute.

  • Lutte contre l'isolement, maintien du lien social.

  • Prise en charge de la dépression et de l'anxiété.

V. Que faire après une chute ?

Lorsqu'une chute survient malgré les mesures préventives, la réaction doit être rapide et structurée.

1. Immédiatement après la chute

  • Garder son calme et analyser la situation.

  • Appeler à l'aide si nécessaire, en activant son bracelet d'alerte par exemple.

  • Ne pas tenter de se relever seul après une chute violente.

2. Après relevage de la personne

  • Réaliser un bilan complet des lésions, avec palpations systématiques.

  • Nettoyer et panser les plaies si besoin.

  • Surveiller l'apparition de douleurs, œdèmes, ecchymoses dans les heures suivantes.

  • Consulter si nécessaire : médecin, urgences hospitalières.

3. Surveillance ultérieure

  • Observer l'apparition différée de signes de gravité : maux de tête, vomissements (traumatisme crânien), douleurs thoraciques (fractures de côtes).

  • Rechercher des signes de syndrome post-chutte (peurs, anxiété) nécessitant un soutien psychologique.

  • Prévenir et traiter le déconditionnement par une rééducation adaptée.

4. Analyse des causes

  • Rechercher avec la personne et ses proches les causes possibles de la chute.

  • Identifier les facteurs de risque modifiables pour adapter la prévention.

  • Consulter le médecin traitant pour réévaluer l'état de santé global.

VI. Le rôle des professionnels

La prévention des chutes nécessite une collaboration entre plusieurs professionnels.

1. Médecin traitant

  • Bilan de santé et corrections des troubles pouvant provoquer des chutes.

  • Révision des traitements médicamenteux.

  • Orientation vers des spécialistes : gériatre, neurologue, ophtalmologue.

2. Infirmier à domicile

  • Éducation à la santé et conseils de prévention.

  • Aide à l'installation d'équipements sécurisants au domicile.

  • Coordination avec les autres intervenants.

3. Kinésithérapeute

  • Renforcement musculaire et exercices d'équilibre.

  • Réadaptation après une chute, pour restaurer la confiance en soi.

4. Ergothérapeute

  • Évaluation fonctionnelle de la personne et de son environnement.

  • Préconisations d'aides techniques ou d'aménagements du domicile.

5. Psychologue

  • Accompagnement psychologique si besoin.

  • Remobilisation après une chute, reprise confiance en soi.

VII. Le rôle des proches aidants

Les proches ont également un rôle clé à jouer pour prévenir et gérer les chutes.

1. Sécuriser le domicile

  • Aménager l'habitat : supprimer tapis, fils, installer éclairages.

  • Inciter à utiliser les aides techniques prescrites.

  • Vérifier le port de chaussures adaptées.

2. Soutenir au quotidien

  • Éviter la sédentarité : encouragements à bouger.

  • Accompagner lors des déplacements si besoin.

  • Veiller à une bonne hydratation et nutrition.

3. Rompre l'isolement

  • Créer du lien social : visites, appels, sorties.

  • Proposer des activités stimulantes : exercices, loisirs.

  • Apporter un soutien moral.

4. Observer l'état de santé

  • Signaler au médecin tout problème pouvant provoquer des chutes.

  • Noter les circonstances et conséquences de chaque chute.

  • Se former aux gestes d'urgence et aux relevages en douceur.

VIII. Les chutes en établissement

Même en institution, les seniors sont à risque de chutes, d'où la nécessité de mesures préventives.

1. Aménagement des locaux

  • Espaces de circulation dégagés.

  • Sols antidérapants.

  • Éclairage puissant.

  • Salles de bain sécurisées : barres d'appui, sièges de douche.

2. Aides techniques

  • Lits médicalisés réglables.

  • Fauteuils roulants adaptés.

  • Verticalisateurs et lève-personnes.

3. Equipements de sécurité

  • Barrières de lit, ceintures de maintien au fauteuil.

  • Capteurs de mouvement et tapis sensitifs.

  • Systèmes d'appel d'urgence.

4. Accompagnement adapté

  • Personnel formé aux gestes d'urgence.

  • Aide aux déplacements si besoin.

  • Activités motrices et ateliers d'équilibre.

  • Rééducation en cas de chute.

IX. Les aides financières possibles

Certains aménagements ou équipements à domicile peuvent faire l'objet d'aides.

1. Pour les retraités et personnes âgées

  • L'allocation personnalisée d'autonomie (APA) peut financer des travaux d'adaptation du logement ou des aides techniques.

  • Les caisses de retraite peuvent octroyer des aides sous conditions de ressources.

2. Pour les personnes en situation de handicap

  • La prestation de compensation du handicap (PCH) peut aider à l'aménagement du domicile.

  • Les complémentaires santé peuvent offrir des forfaits équipements.

3. Dispositifs fiscaux

  • Le crédit d'impôt pour l'équipement de l'habitation principale.

  • La TVA à taux réduit à 5,5% pour certains appareillages.

X. Conclusion

Les chutes sont un enjeu majeur de santé publique chez les personnes âgées. Leurs conséquences physiques et psychologiques peuvent être dramatiques. Heureusement, une prévention efficace est possible. Elle repose sur l'identification des facteurs de risque, la correction des troubles pouvant provoquer des chutes, l'adaptation de l'environnement, un travail proprioceptif et de renforcement musculaire, ainsi qu'un accompagnement psychologique en cas de perte de confiance. Les professionnels de santé, les proches aidants et les dispositifs d'aide à domicile ont tous un rôle à jouer pour préserver l'autonomie et la qualité de vie des seniors.

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