Le cannabis, connu pour ses effets récréatifs, est de plus en plus étudié pour ses propriétés thérapeutiques potentielles. Mais sa consommation a-t-elle un impact sur nos gènes? Des études récentes se sont penchées sur cette question. Dans cet article, nous allons passer en revue les dernières découvertes scientifiques sur les effets de la consommation de cannabis sur l'expression de nos gènes.
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image crédit: leonardo.ai |
Le cannabis agit sur le système endocannabinoïde
Le cannabis contient plus de 100 cannabinoïdes, des composés chimiques qui agissent sur les récepteurs cannabinoïdes présents dans notre corps. Le principal cannabinoïde psychoactif est le tétrahydrocannabinol (THC), responsable des effets euphorisants.
Notre organisme produit naturellement des endocannabinoïdes, des messagers chimiques semblables au THC qui régulent de nombreuses fonctions comme l'appétit, le sommeil, la douleur, l'humeur ou la mémoire. Le système endocannabinoïde est impliqué dans l'homéostasie, le maintien de l'équilibre stable du milieu intérieur.
Lorsque l'on consomme du cannabis, le THC vient se fixer sur les récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2, perturbant l'action des endocannabinoïdes. C'est en modulant l'activité de ce système que le cannabis exerce ses effets psychoactifs et thérapeutiques.
Mais au-delà de ces effets immédiats, quels sont les impacts à long terme d'une consommation régulière de cannabis? Peut-elle entraîner des modifications durables de l'expression de nos gènes?
Le cannabis modifie l'expression des gènes liés au système de récompense
Plusieurs études ont montré que la consommation chronique de cannabis pouvait altérer l'expression de certains gènes, notamment ceux impliqués dans le circuit de la récompense.
Des chercheurs de l'université du Maryland ont ainsi découvert que des rats exposés quotidiennement au THC durant une semaine présentaient une sous-expression du gène codant pour le récepteur CB1 dans le striatum, une région du cerveau essentielle dans le système de récompense. Cette diminution perdurait 2 semaines après l'arrêt du THC.
Chez l'humain, une étude menée sur des fumeurs chroniques de cannabis a également révélé une sous-expression de CB1 dans le cerveau, correlée à la quantité de cannabis consommée.
Ces changements de l'expression génique pourraient contribuer à expliquer certains effets à long terme d'une consommation régulière de cannabis, comme la diminution de la sensibilité à la récompense et le manque de motivation.
Influence sur des gènes liés à la dépendance
Outre le système de récompense, le cannabis semble aussi altérer des gènes impliqués dans le risque de dépendance aux drogues.
Une étude de 2018 a identifié 135 gènes régulés différemment chez les fumeurs de cannabis versus les non-fumeurs. Parmi eux, certains étaient liés à la dépendance à la nicotine et à l'alcool.
Les auteurs ont également montré sur des cellules en culture que l'exposition au THC modifiait directement l'expression de ces gènes. Ces changements génétiques pourraient augmenter la vulnérabilité à la dépendance au cannabis mais aussi à d'autres substances psychoactives.
Bien que requérant confirmation, ces résultats démontrent que la consommation répétée de cannabis n'est pas anodine et façonne potentiellement notre biologie.
Modulation de gènes contrôlant les voies dopaminergiques
La dopamine est un neurotransmetteur essentiel impliqué dans de nombreuses fonctions cérébrales comme la motivation, le plaisir ou les apprentissages. Or certaines études indiquent que le cannabis perturbe les voies dopaminergiques.
Une équipe de l'université de Copenhague a observé chez des consommateurs de cannabis des changements d'expression de 2 gènes régulateurs des voies dopaminergiques : TH et DAT1. Ces altérations étaient corrélées à une diminution de la disponibilité des récepteurs D2 de la dopamine.
Ces modifications génétiques pourraient impacter les fonctions dopaminergiques et contribuer à certains effets délétères cognitifs et psychiatriques liés à un usage prolongé du cannabis.
Effets sur des gènes de l'immunité et du cancer
En plus de son action sur le cerveau, le cannabis influence également l'expression de gènes dans d'autres tissus et organes.
Une étude de 2021 a montré que fumer du cannabis modifiait l'expression de dizaines de gènes impliqués dans les réponses immunitaires dans les cellules sanguines. Certains de ces gènes sont associés à un risque accru d'infections.
D'autres travaux ont aussi rapporté des altérations de l'expression génique dans les cellules bronchiques après exposition à la fumée de cannabis, avec notamment une perturbation de gènes suppresseurs de tumeurs.
Bien que nécessitant d'autres recherches, ces découvertes suggèrent que le cannabis pourrait impacter négativement certaines fonctions immunitaires et augmenter les risques de cancer du poumon.
Pistes pour contrer ces altérations génétiques
Si le cannabis semble bel et bien entraîner des modifications épigénétiques, toutes les études ne vont pas dans le même sens. Le type de cannabis (proportion THC/CBD), la fréquence de consommation et la vulnérabilité génétique de chacun influencent les effets.
Certains chercheurs se penchent sur des moyens de contrer ces altérations génétiques. Une piste prometteuse serait d'associer du CBD au THC. Le CBD est un autre cannabinoïde non psychoactif qui pourrait atténuer les effets délétères du THC sur l'expression des gènes.
Réduire sa consommation de cannabis et s'abstenir pendant les périodes critiques du développement cérébral, comme l'adolescence, permettrait aussi de limiter les risques d'altérations génétiques à long terme.
Conclusion
Les études récentes apportent la preuve que la consommation régulière de cannabis ne laisse pas notre génome indemne. En agissant sur les récepteurs cannabinoïdes, le cannabis modifie l'expression de gènes cruciaux pour le fonctionnement cérébral, les défenses immunitaires et le contrôle de la prolifération cellulaire.
Ces changements épigénétiques pourraient expliquer une partie des effets délétères cognitifs et psychiatriques d'un usage prolongé et ouvrent la voie à de nouvelles approches thérapeutiques. Ils rappellent aussi que le cannabis, substance psychoactive la plus consommée au monde, n'est pas anodin et que sa consommation, surtout chez les plus jeunes, n'est pas sans risque.
Les recherches doivent se poursuivre pour mieux comprendre ces mécanismes génétiques et identifier les profils et modes de consommation à risque. En attendant, en avoir conscience peut aider les consommateurs à faire des choix éclairés pour limiter les altérations de leur génome.
Sources:
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Étude sur la sous-expression de CB1 chez le rat.
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Étude sur la sous-expression de CB1 chez l'humain.
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Étude sur les 135 gènes liés à la dépendance.
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Étude sur les gènes TH et DAT1.
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Étude sur les gènes de l'immunité.
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Étude sur les gènes du cancer du poumon.