La maladie d'Alzheimer, caractérisée par une dégénérescence progressive des neurones conduisant à une perte des fonctions cognitives, demeure à ce jour incurable et dévastatrice pour des millions de patients à travers le monde. Pourtant, après des décennies de recherche infructueuse, l'espoir renaît avec l'arrivée de nouvelles molécules capables de ralentir l'évolution de la maladie.
C'est dans ce contexte porteur que le laboratoire Eli Lilly a révélé cette semaine les résultats prometteurs d'essais cliniques sur son nouveau médicament, le donanemab. En ciblant les plaques amyloïdes qui s'accumulent dans le cerveau des malades, ce traitement permettrait de diminuer significativement le déclin cognitif sur 18 mois de traitement.
S'il ne s'agit pas d'un remède miracle, le donanemab pourrait néanmoins constituer une avancée majeure dans la prise en charge thérapeutique de la maladie d'Alzheimer. Mais de nombreuses questions restent en suspens concernant ses effets indésirables, son accessibilité future ou encore son efficacité à long terme. Dans cet article, nous faisons le point sur ce que l'on sait déjà à propos de cette molécule qui suscite un immense espoir dans la lutte contre la maladie d'Alzheimer.
Qu'est-ce que le donanemab et comment fonctionne-t-il ?
Le donanemab est un nouveau médicament développé par la compagnie pharmaceutique Eli Lilly pour traiter la maladie d'Alzheimer. Annoncé en grande pompe le 29 juillet 2022 lors de la Conférence Internationale sur la maladie d'Alzheimer à Amsterdam, ce traitement agit de manière ciblée sur les plaques amyloïdes qui se forment dans le cerveau des malades.
Ces plaques sont constituées par l'accumulation d'une protéine, la bêta-amyloïde, qui provoque la mort des neurones et la dégénérescence des fonctions cognitives. Le donanemab est un anticorps monoclonal, c'est-à-dire une molécule créée en laboratoire capable de reconnaître spécifiquement les plaques amyloïdes pour les détruire.
Selon les résultats des essais cliniques de phase 3 menés par Eli Lilly sur 1744 patients, publiés dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) le 29 juillet 2022, le donanemab permet de réduire les plaques amyloïdes de 84% en moyenne après 18 mois de traitement.
Quelle efficacité démontrée par les essais cliniques ?
L'étude clinique du donanemab a démontré qu'après 18 mois de traitement, le déclin cognitif était réduit de 32% en moyenne chez les patients traités, comparativement à ceux sous placebo.
Cet effet était encore plus marqué (réduction de 50%) chez les patients au stade précoce de la maladie, lorsque la charge amyloïde dans le cerveau est faible ou modérée.
Bien que n'étant pas un remède miracle contre la maladie d'Alzheimer, le donanemab constitue le premier traitement permettant de ralentir significativement la progression de la maladie, après des décennies de recherche infructueuse.
Quels sont les effets secondaires à prendre en compte ?
Malgré ces résultats prometteurs, le donanemab peut provoquer des effets secondaires significatifs qu'il faut prendre en compte. Lors des essais cliniques, des œdèmes cérébraux, des micro-hémorragies et des maux de tête sévères ont été observés chez certains patients.
Trois patients traités par donanemab sont même décédés pendant l'étude, même si le lien avec le traitement n'a pas été établi de manière certaine. Ces effets secondaires graves incitent à la prudence quant à l'utilisation étendue du médicament.
De plus, on ne connaît pas encore les effets à long terme d'un traitement au-delà de 18 mois. Des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si le ralentissement de la maladie se poursuit ou si un plateau est atteint.
Quand sera disponible le donanemab au Canada ?
Le fabricant Eli Lilly a déposé une demande d'autorisation auprès de la FDA américaine en septembre 2022, avec une réponse attendue d'ici fin 2022 ou début 2023. Si la FDA donne son feu vert, Santé Canada entamera alors sa propre analyse du médicament.
Selon les experts, il faudra attendre 12 à 18 mois après l'approbation américaine avant que le donanemab ne soit disponible au Canada, soit au plus tôt en 2024. Santé Canada devra évaluer rigoureusement le rapport bénéfice/risque du traitement.
L'Institut national d'excellence en santé et services sociaux (INESSS) devra également se prononcer sur le remboursement éventuel du médicament par le régime public d'assurance maladie.
Quelles autres pistes de traitement ?
Le donanemab n'est pas le seul médicament récemment développé pour combattre la maladie d'Alzheimer. Le Lécanemab, de la compagnie japonaise Eisai, a également démontré des résultats prometteurs pour réduire le déclin cognitif de 27% sur 18 mois.
L'aducanumab, de Biogen, a été approuvé par la FDA américaine en 2021 mais a essuyé un refus de l'Agence européenne du médicament en raison de doutes sur son efficacité. Aucun de ces médicaments n'est encore approuvé au Canada à l'heure actuelle.
Certains spécialistes estiment que seule une combinaison de médicaments et d'interventions non pharmacologiques permettra de lutter efficacement contre cette maladie aux causes multiples. D'où l'importance de poursuivre les recherches dans toutes les directions thérapeutiques possibles.
Un coût de traitement élevé qui pose question
Outre les interrogations sur les effets secondaires, le coût très élevé du donanemab risque de limiter son accessibilité. Aux États-Unis, il est question d'un prix de traitement annuel de 30 000 dollars ou plus. Même si le prix devrait être moins élevé au Canada, il pèsera lourdement sur les finances publiques.
Compte tenu de son efficacité démontrée principalement à un stade précoce de la maladie, le donanemab risque de n'être approuvé que pour une population restreinte de patients, ceux à un stade léger ou modéré.
Le mode d'administration par perfusion intraveineuse complexifiera également la logistique de distribution du médicament. Les cliniques spécialisées en Alzheimer devront être équipées en conséquence.
Un impact positif espéré sur la qualité de vie
Malgré ces limites, les associations de patients atteints de la maladie d'Alzheimer soulignent l'espoir suscité par ces nouveaux traitements capables de ralentir la progression de la maladie. Même retardée, la perte d'autonomie permettra de maintenir une meilleure qualité de vie.
Avec plus de 500 000 Canadiens atteints, dont 25 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année, la maladie d'Alzheimer constitue un enjeu majeur de santé publique au Canada. Les gouvernements sont appelés à faciliter l'accès aux nouveaux médicaments prometteurs, pour le plus grand bénéfice des patients.
Bien que des incertitudes demeurent, le donanemab ouvre la voie à une ère nouvelle dans la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, après des décennies d'échecs thérapeutiques. À lui seul, il ne constitue pas un remède miracle, mais s'inscrit dans un arsenal thérapeutique en plein essor qui redonne espoir aux millions de patients à travers le monde.
Le point de vue des spécialistes
Les spécialistes de la maladie d'Alzheimer se montrent prudents mais optimistes quant à cette nouvelle classe de médicaments anti-amyloïdes dont fait partie le donanemab.
"Il ne s'agit pas d'un remède miracle, mais cette approche thérapeutique est prometteuse", souligne le Dr Alain Bocquet, neurologue au CHU de Sherbrooke. "Combiné à un dépistage plus précoce, le donanemab pourrait offrir quelques années de mieux avant une dégradation fonctionnelle".
De son côté, la Dre Sylvie Belleville, neuropsychologue à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal, met en garde contre un enthousiasme excessif. "On manque encore de données sur le long terme. Et le coût faramineux de ces médicaments risque d'en limiter l'accès".
Philippe Voyer, chercheur en neurosciences à l'Université Laval, rappelle que la piste anti-amyloïde n'est qu'une avenue parmi d'autres. "D'autres processus neurodégénératifs sont impliqués dans la maladie d'Alzheimer. Une meilleure compréhension de la physiopathologie permettra de développer des thérapies plus diversifiées".
Conclusion
Le développement de médicaments comme le donanemab marque incontestablement un tournant après des années de recherche infructueuse sur la maladie d'Alzheimer. Pour autant, de nombreuses inconnues demeurent sur leur efficacité à long terme, leurs effets secondaires, leur accessibilité et leur place exacte dans la prise en charge thérapeutique de cette maladie complexe. Seule la poursuite des recherches permettra d'optimiser leur utilisation et de développer des alternatives thérapeutiques, dans l'espoir d'un traitement vraiment efficace un jour.